Ce premier article est un concept de jeu qui n’est pas le mien, mais qui a eu un impact déterminant sur le développement de ma vision ludique. Ce jeu m’a fait découvrir l’expérience narrative interactive. Ce jour-là, une porte s’est ouverte sur un univers de possibilités et elle ne s’est jamais refermée depuis.
J’avais neuf ans. Je me faisais garder par un jeune de quinze ans, Miguel, un fan de Donjons & Dragons. Ce jour-là, il m’a proposé d’essayer un nouveau jeu.
– On va jouer qu’on est des Superhéros.
Il n’y avait rien d’original jusqu’ici. Je crois que tous les petits garçons ont, à un moment ou un autre, joué qu’ils étaient des superhéros. «Moi je suis Spiderman.» «Oh cool. Moi je suis Batman…» Ou l’équivalent des superhéros: Cowboys et Amérindiens, Police et voleurs, etc. Le jeu de rôle semble naturel quand on est un enfant. J’allais donc entrer rapidement dans le jeu, sans avoir à franchir un mur de règles complexes. En fait, il n’y avait qu’une mécanique:
– Choisis-toi trois pouvoirs.
Oh. Je n’allais pas être n’importe quel superhéros. J’allais être le superhéros que je voulais! Si je me rappelle bien, un de mes trois choix était la turbo vitesse. Miguel avait aussi trois pouvoirs, dont la super force. Les possibilités étaient infinies.
– Faque tu es Max-9 et moi Mig-15.
Il s’était simplifié la tâche en combinant nos âges et les trois premières lettres de nos prénoms. Sans être original, ce nom avait le mérite de me mettre au centre du jeu. Le personnage principal n’était plus le MegaTurboMan dont on avait vu tous les films et les dessins animés, et dont on connaissait toutes les répliques par cœur. Oh non. Le personnage principal, c’était moi.
– Ok. Là, ce qui se passe, c’est…
Et il a commencé une histoire. Étant maitre de jeu à D&D, il savait comment créer un récit participatif. Inventer une histoire en jouant n’était encore rien de nouveau. J’en ai inventé des histoires en jouant aux Hot Wheels dans le carré de sable ou aux Lego sous la table de cuisine. La nuance ici est que Miguel avait un certain contrôle sur le jeu. Pas de chicane à coups de Tonka sur la gueule parce que ma Police est plus forte que ton Amérindien, ou que c’est pas juste parce que c’est tout le temps toi qui prends Superman pis Spider-Man aussi est capable de battre les méchants… La position d’autorité de cet ado de quinze ans permettait de maintenir l’intégrité narrative du jeu en éloignant les conflits.
Je me suis vraiment amusé. Chaque fois que je me faisais garder ensuite, je voulais rejouer. Miguel a assuré la continuité de l’histoire, avec des méchants récurrents. Max-9 et Mig-15 était une série…
J’ai eu dix ans. Était-ce la fin de Max-9?
– Tu peux te choisir un nouveau pouvoir, Max-10…
Pourquoi ce jeu improvisé fut un succès?
- Simple à apprendre
- Utilisateur au centre de l’expérience
- Max-9, c’est moi
- Expérience personnalisée
- Choix de super pouvoirs
- Persistance de l’expérience
- Les aventures se poursuivent d’une fois à l’autre
- Évolution
- Un quatrième super pouvoir
- Expérience guidée
- Miguel, en plus de jouer, veillait à la cohérence narrative